Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/10

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Les Français étaient alors très-bien accueillis de la population féminine. « Là se trouvaient en contact, d’une part, la galanterie française, vive, légère, enjouée ; de l’autre, la sensualité méridionale, qui, combinée avec une certaine contrainte extérieure et un commerce moins libre entre les sexes, fait de l’amour tantôt une passion furieuse, tantôt une science et un calcul. De là, chez nous, des conséquences qui se développèrent avec le temps : pour les femmes, des leçons de coquetterie, des modes provoquantes et voluptueuses que les maîtresses de François Ier, la duchesse de Châteaubriant et la belle Ferronnière, introduisirent à la cour de France ; pour les hommes, les enseignements et les fruits d’un libertinage auquel le souvenir et le nom de l’Italie resteront toujours attachés[1]. » Ces mœurs convenaient parfaitement aux goûts et au caractère de Desportes. Non-seulement la nature lui avait donné des penchants amoureux, mais il éprouvait des passions violentes : c’étaient même les seules qui eussent du charme pour lui. Ses œuvres nous renseignent complétement à cet égard : les tièdes affections, dit-il, ne pouvaient lui plaire. Il lui faut des cris, des serments, des transports, des fureurs : la volupté doit fondre sur lui comme un orage.

Qu’on ne me prenne pas pour aimer tièdement,
Pour garder ma raison, pour avoir l’ame saine ;
Si comme une bacchante Amour ne me pourmène,
Je refuse le titre et l’honneur d’un amant.
Je veux toutes les nuicts soupirer en dormant,
Je veux ne trouver rien si plaisant que ma peine.
N’avoir goutte de sang qui d’amour ne soit pleine,
Et, sans savoir pourquoy, me plaindre incessamment.
Mon cœur me déplairoit, s’il n’étoit tout de flamme,
L’air et le mal d’amour autrement n’ont point d’ame :
Amour est un enfant sans prudence et sans yeux.
Trop d’avis et d’égard sied mal à sa jeunesse.
Aux conseillers d’Etat je laisse la sagesse,
Pour m’en servir comme eux, lorsque je serai vieux.

Ayant obtenu, dans son âge mûr, les bonnes grâces d’une jeune dame moins fougueuse que lui, quelque blonde sans doute, aux regards timides, à l’esprit inquiet, il se fâcha de sa réserve et de ses appréhensions. Il l’assura qu’elle n’avait rien à craindre de son mari :

Quand même il vous verroit en mes bras toute nue,
Il ne croiroit jamais la chose estre advenue.

  1. Rathery, Influence de l’Italie sur les Lettres françaises, p. 84 et 85. L’auteur cite de curieux témoignages contemporains relativement à la licence de nos soldats en Italie.