Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/12

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Desportes fut introduit à la cour ; mais ses œuvres contiennent à cet égard les indications les plus précieuses.

Il se lia de très-bonne heure et de la manière la plus intime avec un homme encore plus jeune, qui occupait une position brillante. Claude de Laubespine, fils du célèbre Claude de Laubespine, secrétaire d’État sous François Ier, Henri II, François II et Charles IX[1], était lui-même secrétaire des commandements de ce dernier prince. Il semble avoir réuni les grâces du corps aux mérites de l’intelligence. La nature, suivant Desportes, l’avait fait grand, beau, agile, aimable ; il n’avait ni ambition ni dissimulation, mais, d’un cœur pur et d’une âme droite, ne songeait qu’à rendre service. Les jeunes gens s’éprirent l’un pour l’autre d’une amitié qui les honore tous les deux. Le poëte fut sans doute présenté à la cour, mis en relation par Laubespine avec Charles IX et les plus grands personnages, notamment avec le duc d’Anjou et le marquis de Villeroy, principal ministre, qui n’avait lui-même que vingt-sept ans. Tous trois lui témoignèrent une égale faveur. Le ministre le logea même dans sa maison et le prit pour secrétaire particulier[2]. C’était un coup de fortune. Aussi dans le prélude du poëme de Rodomont, que Desportes dédia bientôt à son protecteur, le nomme-t-il son support, c’est-à-dire son appui. Laubespine avait pu l’introduire facilement chez le ministre, qui avait épousé sa sœur et devait en outre sa haute fortune à son père, comme Villeroy lui-même nous l’apprend dans ses Mémoires[3]. Le poëte se trouva, pour

  1. Ce ministre, originaire de Bourgogne, mourut jeune encore, le 11 novembre 1567. Il passait pour un des plus habiles négociateurs de l’Europe, et fut employé par la cour de France dans toutes les opérations diplomatiques de son temps. Il signa, par exemple, le traité de Câteau-Cambrésis, la paix de Hardelot et assista aux conférences de La Marck. Il était baron de Châteauneuf. La veille de sa mort, il donna d’utiles avis à Catherine de Médicis, qui était venue le consulter.
  2. Son admission comme secrétaire chez le marquis de Villeroy est constatée par un document authentique : le privilége de la première édition de ses œuvres ; on y lit en effet :
    « Par lettres patentes du roy, données à Paris, le vingt-huictième jour de juillet 1573, signées par le roy, le roy de Pologne, son frère, et lieutenant général présent, de Neufville (c’est le marquis de Villeroy) ; et scellées du grand sceau en cire jaune sur simple queue : Il est permis à maistre Philippe Des Portes, secrétaire de la chambre dudict seigneur, de faire imprimer, » etc.
  3. « J’eus cet honneur, quoy qu’indignement, mais favorisé de la protection de la feue royne mère, que Dieu absolve, et des services très-recommandables que feu M. de Laubespine, mon beau-père, avoit rendus à Sa Majesté, d’estre pourvu à l’aage de vingt-quatre ans, par le feu roy Charles, mon premier maistre, de l’office de secrétaire d’Estat qu’exerçoit ledict feu