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Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/169

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Je ne te puis prouver comme elle me tourmente.
Mon cœur en est tesmoin : qu’elle le représente,
Tu verras, le voyant, sa rigueur et son tort.

Et, si tu crains trop fort les traits de son visage,
Ne donne pas sentence à son desadvantage,
Mais fay tant qu’elle et moy nous demeurions d’accord.


XVII


Si vous voulez que ma douleur finisse
Et que mon cœur, qui vous est destiné,
Soit de son mal doucement guerdonné,
Et que mon ame en brûlant s’esjouysse ;

Si vous voulez qu’à jamais je benisse
L’heure et le point qu’à vous je me donné,
Et que l’ennuy qui me suit obstiné,
Comme un ombrage en l’air s’esvanouysse ;

Sans grand travail soudain vous le pouvez,
La guarison en vos mains vous avez
Du mal d’amour, qui jusqu’au cœur me touche.

Car, s’il vous plait de le faire cesser,
Il ne vous faut seulement prononcer
Qu’un doux ouy du cœur et de la bouche.


CHANSON


Un doux trait de vos yeux, ô ma fiere deesse !
Beaux yeux, mon seul confort,
Peut me remettre en vie et m’oster la tristesse
Qui me tient à la mort.
Tournez ces clairs soleils, et par leur vive flame
Retardez mon trespas :
Un regard me suffit : le voulez-vous, madame ?
Non, vous ne voulez pas.

Un mot de vostre bouche à mon dam trop aimable,
Mais qu’il soit sans courroux,
Peut changer le destin d’un amant miserable,
Qui n’adore que vous.
Il ne faut qu’un ouy, meslé d’un doux sou-rire
Plein d’amours et d’appas :
Mon Dieu ! que de longueurs, le voulez-vous point dire ?
Non, vous ne voulez pas.

Roche sourde à mes cris, de glaçons toute plaine,
Ame sans amitié,
Quand j’estoy moins brûlant, tu m’estois plus humaine
Et plus prompte à pitié.