Me font ensemble une guerre immortelle,
Comblant mon cœur de desirs violans.
Las ! je n’esteins par mes pleurs ruisselans
De ces beaux yeux une seule estincelle ;
Et ceste main dont la blancheur me gesle,
N’échauffe point par mes soupirs brûlans.
Si je suis pres, la main de pres m’enserre,
Et les beaux yeux de loin me font la guerre,
Perçans mon cœur comme un blanc qui est mis.
Belle Hippolyte, ardeur de mon courage,
Vous me prenez trop à vostre advantage,
Me combattant avec trois ennemis[1].
XXXIII
En pire estat ma fortune est venuë,
Ô tristes yeux, helas ! qu’elle n’estoit,
Lors que le ciel, benin, vous permettoit
Voir la beauté de moy tant reconnuë.
Car si l’ardeur où mon ame est tenuë,
S’en approchant, d’heure en heure augmentoit,
Son œil piteux mon mal reconfortoit,
Rendant ma vie en espoir maintenuë.
Ô tans heureux ! quand je peu, la servant,
Luy découvrir mes ennuis si souvant,
Pleurer, crier, blasmer sa rigueur forte !
Las ! maintenant je languy sans confort,
Et de la mort qu’absent d’elle je porte,
Rien ne me peut delivrer que la mort.
ELEGIE
Jamais foible vaisseau, deçà, delà porté,
Par les fiers aquilons ne fut tant agité
L’hyver en plaine mer, que ma vague pensée
Est des flots amoureux haut et bas élancée.
Ainsi qu’un patient, dont l’esprit est troublé
Par l’effort rigoureux d’un accez redoublé,
Flotte en songes divers ; l’humeur qui le tourmente
Fait chanceler son ame, et la rend inconstante ;
- ↑ Imité d’un sonnet italien qui commence par cette strophe :
Due vaghi occhi et una man bella, ma cruda.
D’accordo son per far mia vita breve ;
Quei con fuoco mi fan, quella con neve
Guerra, onde il corpo afflitto agghiaccia e suda.