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Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/259

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Ô propos, qui sonnez tousjours à mes oreilles,
Que vous m’avez tué d’une douce rigueur !

Que vous avez jetté de soulfre sur ma flame,
Que vous m’avez laissé d’aiguillons dedans l’ame,
De pensers en l’esprit et d’amours dans le cœur !


LXXXIII


Langue muette, à mon secours tardive,
Que m’a servi tant d’heur que j’ay reçeu
De voir ma dame ? aussi bien tu n’as sçeu
Dire le mal qui de repos me prive.

Propos brûlans, voix dolente et plaintive,
Vostre faveur à ce coup m’a deçeu :
Car un seul mot hors de moy n’est issu
Propre à monstrer combien ma peine est vive.

Mais qui ne fut autant que vous surpris ?
L’estonnement gela tous mes espris ;
Je devins sourd, sans pouls et sans halaine.

Un voile obscur sur mes yeux s’estendit,
Le cœur me cheut, tout mon sang se perdit,
Et ne restay qu’une peinture vaine.


LXXXIV


De quels cousteaux fut mon ame blessée.
Et quelle flamme en mon cœur s’alluma,
Quand ses beaux yeux de rigueur elle arma,
Pour me tuer sans l’avoir offensée ?

Que d’une plainte, en pleurant commencée,
Ne fis-je voir le dueil qui m’entama ?
Je l’essayay : mais la douleur pressée,
A mes propos le passage ferma.

Que ne leut-elle au moins sur mon visage
Mes passions, me voyant tout transi,
Palle mon teint, mes yeux couvers d’ombrage,

Qui pour ma bouche alors crioient mercy ?
Helas ! la nuict m’osta cet advantage,
Et l’empescha qu’elle me veist ainsi.


LXXXV


Mes yeux, accoustumez au jour de vostre veuë,
Sont clos aussi soudain que vous disparoissez,
Et des autres beautez les rayons élancez
Ne sont pour m’éclairer qu’une effroyable nuë.