Un tel mesnage à l’age d’or ressemble,
Tant regretté par les siecles passez.
Quoy qu’on me dist de vos mœurs inciviles,
De vos habits, de vos meschantes villes,
De vos esprits pleins de legereté,
Sarmates fiers, je n’en voulois rien croire,
Ny ne pensoy que vous peussiez tant boire ;
L’eussé-je creu sans y avoir esté ?
Barbare peuple, arrogant et volage,
Vanteur, causeur, n’ayant rien que langage,
Qui, jour et nuict dans un poisle enfermé,
Pour tout plaisir se jouë avec un verre,
Ronfle à la table ou s’endort sur la terre,
Puis comme un Mars veut estre renommé.
Ce ne sont pas vos grand’s lances creusées[1],
Vos peaux de loup, vos armes desguisées,
Où maint plumage et mainte aile s’estend,
Vos bras charnus ny vos traits redoutables,
Lourds Polonnois, qui vous font indomtables ;
La pauvreté seulement vous deffend.
Si vostre terre estoit mieux cultivée,
Que l’air fust doux, qu’elle fust abreuvée
De clairs ruisseaux, riche en bonnes citez,
En marchandise, en profondes rivieres,
Qu’elle eust des vins, des ports et des minieres,
Vous ne seriez si long-tans indomtez.
Les Othomans, dont l’ame est si hardie,
Aiment mieux Cypre ou la belle Candie,
Que vos deserts presque tousjours glacez ;
Et l’Alemand, qui les guerres demande,
Vous dédaignant, court la terre Flamande,
Où ses labeurs sont mieux recompensez.
Neuf mois entiers pour complaire à mon maistre,
Le grand Henry, que le ciel a fait naistre,
Comme un bel astre aux humains flamboyant,
Pour ce desert j’ay la France laissée,
Y consumant ma pauvre ame blessée,
Sans nul confort, sinon qu’en le voyant.
Fasse le ciel que ce valeureux prince
Soit bien-tost roy de quelque autre province,
Riche de gens, de citez et d’avoir ;
Que quelque jour à l’empire il parvienne,
Et que jamais icy je ne revienne,
Bien que mon cœur soit brûlant de le voir.
- ↑ Striées, cannelées.