C’est trop semé ses cris au vent,
C’est trop, plein de jeunesse folle,
Perdre tans, labeurs et parolle,
Pour le corps l’ombrage suivant.
Seigneur, change et monte ma lyre,
Afin qu’au lieu du vain martyre
Qui se paist des cœurs ocieux,
Elle ravisse les oreilles,
Resonnant tes hautes merveilles,
Quand de rien tu formas les cieux.
Ô Pere ! à toy seul je m’adresse,
Pecheur qui prens la hardiesse
D’elever le regard si haut ;
Et, te descouvrant mon offence,
J’invoque, en pleurant, ta clemence
Pour me purger de tout defaut.
Si je suis tout noirci de vice,
Tu peux m’appliquer ta justice,
Comme j’en ay parfaicte foy ;
Si je ne suis que pourriture,
Pourtant je suis ta creature,
Qui ne veux m’adresser qu’à toy.
Fay moy voir ton œil pitoyable,
Et, bien que je sois miserable,
Monstre-toy gracieux et doux ;
Ne me chastie en ta colere :
Car, helas ! si tu le veux faire,
Qui pourra porter ton courroux ?
Le ciel, qui toute chose embrasse,
Fuiroit tremblant devant ta face,
S’il te cognoissoit irrité ;
Et des anges la troupe sainte
N’oseroit paroistre, en la crainte
De ta juste severité.
C’est toy, qui d’une main puissante
Dardes la foudre punissante,
Et qui d’un clin d’œil seulement
Fais tourner ceste masse ronde ;
La flamme, l’air, la terre et l’onde
Sont serfs de ton commandement.
C’est toy qui n’as point de naissance,
Triple personne en une essence,
Tout saint, tout bon, tout droiturier,
Ton doigt ce grand univers range,
Et, bien que toute chose change,
Tu demeures sans varier.
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