Page:Œuvres de Robespierre.djvu/202

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sur ces faits un silence religieux ; tout ce que je dois dire, c’est qu’il est impossible d’ajouter à la privation de ces droits la prohibition d’être armé pour sa défense personnelle ou pour celle de sa patrie ; c’est que ce droit est indépendant de tous les systèmes politiques qui classent les citoyens, parce qu’il tient essentiellement au droit inaltérable, au devoir immortel de veiller à sa propre conservation.

Si quelqu’un m’objectait qu’il faut avoir ou une telle espèce ou une telle étendue de propriété pour exercer ce droit, je ne daignerais pas lui répondre. Eh ! que répondrais-je à un esclave assez vil ou à un tyran assez corrompu pour croire que la vie, que la liberté, que tous les biens sacrés que la nature a départis aux plus pauvres de tous les hommes, ne sont pas des objets qui vaillent la peine d’être défendus ! Que répondrais-je à un sophiste assez absurde pour ne pas comprendre que ces superbes domaines, que ces fastueuses jouissances des riches, qui seuls lui paraissent d’un grand prix, sont moins sacrés aux yeux des lois et de l’humanité que la plus chétive propriété mobilière, que le plus modique salaire auquel est attachée la subsistance de l’homme modeste et laborieux.

Quelqu’un osera-t-il me dire que ces gens-là ne doivent pas être admis au nombre des défenseurs des lois et de la Constitution, parce qu’ils n’ont point d’intérêt au maintien des lois et de la Constitution ? Je le prierai à mon tour de répondre à ce dilemme : Si ces hommes ont intérêt au maintien des lois et de la Constitution, ils ont droit, suivant vos principes mêmes, d’être inscrits parmi les gardes nationales : s’ils n’y ont aucun intérêt, dites moi donc ce que cela signifie, si ce n’est que les lois, que la Constitution n’auraient pas été établies pour l’intérêt général, mais pour l’avantage particulier d’une certaine classe d’hommes ; qu’elles ne seraient point la propriété commune de tous les membres de la société, mais le patrimoine des riches,