que de flétrir l’honorable pauvreté, et de réserver pour la richesse tous les honneurs et toute la puissance ? Adopter une pareille institution, qu’est-ce autre chose que forcer l’ambition même la plus noble, celle qui cherche la gloire en servant la patrie, à se réfugier dans le sein de la cupidité et de l’intrigue, et faire de la constitution même la corruptrice de la vertu ? Que signifie donc ce tableau civique que vous affichez avec tant de soin ? Il étale à mes yeux, avec exactitude, tous les noms des vils personnages que le despotisme a engraissés de la substance du peuple : mais j’y cherche en vain celui d’un honnête homme indigent. Il donne aux citoyens cette étonnante leçon : « Sois riche, à quelque prix que ce soit, ou tu ne seras rien. »
Comment, après cela, pourriez-vous vous flatter de faire renaître parmi nous cet esprit public auquel est attachée la régénération de la France ; lorsque rendant la plus grande partie des citoyens étrangers aux soins de la chose publique, vous la condamnez à concentrer toutes ses pensées et toutes ses affections dans les objets de son intérêt personnel et de ses plaisirs ; c’est-à-dire quand vous élevez l’égoïsme et la frivolité sur les ruines des talents utiles et des vertus généreuses, qui sont les seules gardiennes de la liberté ? Il n’y aura jamais de constitution durable dans tout pays où elle sera, en quelque sorte, le domaine d’une classe d’hommes, et n’offrira aux autres qu’un objet indifférent, ou un sujet de jalousie et d’humiliation. Qu’elle soit attaquée par des ennemis adroits et puissants, il faut qu’elle succombe tôt ou tard. Déjà, messieurs, il est facile de prévoir toutes les conséquences fatales qu’entraîneraient les dispositions dont je parle, si elles pouvaient subsister. Bientôt vous verrez vos Assemblées primaires et électives désertes, non-seulement parce que ces mêmes décrets en interdisent l’accès au plus grand nombre des citoyens, mais encore parce que la plupart de ceux qu’ils appellent, tels que les gens à trois journées,