Page:Œuvres de Robespierre.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

but particulier, il s’écarte de ce but général et essentiel, il commet la plus grossière et la plus funeste des erreurs.

Il faut donc que les lois présentent toujours aux peuples le modèle le plus pur de la justice et de la raison. Si, à la place de cette sévérité puissante, de ce calme modéré qui doit les caractériser, elles mettent la colère et la vengeance ; si elles font couler le sang humain qu’elles peuvent épargner et qu’elles n’ont pas le droit de répandre ; si elles étalent aux yeux du peuple des scènes cruelles et des cadavres meurtris par des tortures, alors elles altèrent dans le cœur des citoyens les idées du juste et de l’injuste, elles font germer au sein de la société des préjugés féroces qui en produisent d’autres à leur tour. L’homme n’est plus pour l’homme un objet si sacré ; on a une idée moins grande de sa dignité quand l’autorité publique se joue de sa vie. L’idée du meurtre inspire bien moins d’effroi, lorsque la loi même en donne l’exemple et le spectacle ; l’horreur du crime diminue dès qu’elle ne le punit plus que par un autre crime. Gardez-vous bien de confondre l’efficacité des peines avec l’excès de la sévérité : l’un est absolument opposé à l’autre. Tout seconde les lois modérées ; tout conspire contre les lois cruelles.

On a observé que dans les pays libres, les crimes étaient plus rares, et les lois pénales plus douces : toutes les idées se tiennent. Les pays libres sont ceux où les droits de l’homme sont respectés, et où, par conséquent, les lois sont justes. Partout où elles offensent l’humanité par un excès de rigueur, c’est une preuve que la dignité de l’homme n’y est pas connue, que celle du citoyen n’existe pas ; c’est une preuve que le législateur n’est qu’un maître qui commande à des esclaves, et qui les châtie impitoyablement suivant sa fantaisie. Je conclus à ce que la peine de mort soit abrogée.