Page:Œuvres de Robespierre.djvu/245

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teurs qui spéculent sur ces sortes d’événements ; elle est bonne pour les ministres, dont elle couvre les opérations d’un voile plus épais et presque sacré ; elle est bonne pour la cour ; elle est bonne pour le pouvoir exécutif, dont elle augmente l’autorité, la popularité, l’ascendant ; elle est bonne pour la coalition des nobles, des intrigants, des modérés qui gouvernent la France. Cette faction peut placer ses héros et ses membres à la tête de l’armée ; la cour peut confier les forces de l’État aux hommes qui peuvent la servir dans l’occasion avec d’autant plus de succès qu’on leur aura travaillé une espèce de réputation de patriotisme ; ils gagneront les cœurs et la confiance des soldats pour les attacher plus fortement à la cause du royalisme et du modérantisme : voilà la seule espèce de séduction que je craigne pour les soldats ; ce n’est pas sur une désertion ouverte et volontaire de la cause publique qu’il faut me rassurer. Tel homme qui aurait horreur de trahir la patrie, peut être conduit par des chefs adroits à porter le fer dans le sein des meilleurs citoyens ; le mot perfide de républicain et de factieux, inventé par la secte des ennemis hypocrites de la constitution, peut amener l’ignorance trompée contre la cause du peuple. Or, la destruction du parti patriotique est le grand objet de tous leurs complots ; dès qu’une fois ils l’ont anéanti, que reste-t-il si ce n’est la servitude ? Ce n’est pas une contre-révolution que je crains, ce sont les progrès des faux principes de l’idolâtrie, et la perte de l’esprit public. Or, croyez-vous que ce soit un médiocre avantage pour la cour et pour le parti dont je parle de cantonner les soldats, de les camper, de les diviser en corps d’armée, de les isoler des citoyens pour substituer insensiblement, sous les noms imposants de discipline militaire et d’honneur, l’esprit d’obéissance aveugle et absolue, l’ancien esprit militaire enfin, à l’amour de la liberté, aux sentiments populaires qui étaient entretenus par leur communication avec le peuple ! Quoique l’esprit de l’armée soit