Page:Œuvres de Robespierre.djvu/281

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fût-il égal à sa probité, il ne sera jamais à la fois infaillible et impeccable ; il aura au moins une passion, et elle peut suffire pour l’égarer et pour compromettre le bonheur commun. Il croira servir la patrie en servant son ressentiment et ses passions, ou, s’il en est exempt, celles de ses amis et de ses serviteurs. Au reste, ce n’est jamais au caractère d’un homme qu’il est permis de confier la destinée de l’État ; mais aux principes et à la sage prévoyance des lois fondatrices de la liberté. Les lois ne doivent voir dans le gouvernement qu’un serviteur nécessaire du souverain que l’œil du maître doit surveiller ; elles ne doivent jamais permettre au serviteur de mettre un bandeau sur cet œil importun. Aussi l’idée la plus extravagante qui soit jamais entrée dans la tête d’un législateur, ce serait sans contredit celle de l’Assemblée précédente, lorsqu’elle donna au ministre de l’intérieur des sommes énormes destinées à propager l’esprit public, si le même ministre n’avait depuis peu donné un exemple plus absurde encore, en instituant dans son immense département un bureau particulier sous le titre de bureau de formation de l’esprit public. Il faut convenir que si une manufacture de cette espèce n’est pas la plus ridicule de toutes les institutions, elle en est au moins la plus dangereuse pour l’esprit public et pour la liberté. Mon intention n’est pas de développer ici les abus particuliers, ni d’analyser les poisons qu’elle a répandus sur toute la surface de la République ; je ne veux m’attacher qu’aux principes.

Si quelqu’un croit pouvoir objecter aux vérités que je viens de développer l’exemple de quelque peuple ancien ; qu’il veuille bien y réfléchir un instant, il verra qu’il parle d’une petite ville dont les lois étaient fondées sur deux bases qui nous font horreur, la pauvreté et la communauté de biens ; il verra qu’il n’y a rien de commun entre cette famille de républicains austères et une nation de 25 millions d’hommes, dans les circonstances où nous sommes. Il sen-