monde ; ils ont asservi jusqu’à la raison humaine en la dépravant, et l’ont rendue complice de la misère de l’homme : le despotisme a produit la corruption des mœurs, et la corruption des mœurs a soutenu le despotisme. Dans cet état de choses, c’est à qui vendra son âme au plus fort pour légitimer l’injustice et diviniser la tyrannie. Alors la raison n’est plus que folie ; l’égalité, anarchie ; la liberté, désordre ; la nature, chimère ; le souvenir des droits de l’humanité, révolte : alors, on a des bastilles et des échafauds pour la vertu, des palais pour la débauche, des trônes et des chars de triomphe pour le crime : alors on a des rois, des prêtres, des nobles, des bourgeois, de la canaille ; mais point de peuple et point d’hommes.
Voyez ceux mêmes d’entre les législateurs que le progrès des lumières publiques semble avoir forcés à rendre quelque hommage aux principes ; voyez s’ils n’ont pas employé leur habileté à les éluder, lorsqu’ils ne pouvaient plus les raccorder à leurs vues personnelles ; voyez s’ils ont fait autre chose que varier les formes du despotisme et les nuances de l’aristocratie ! Ils ont fastueusement proclamé la souveraineté du peuple, et ils l’ont enchaîné ; tout en reconnaissant que les magistrats sont ses mandataires, ils les ont traités comme ses dominateurs et comme ses idoles : tous se sont accordés à supposer le peuple insensé et mutin, et les fonctionnaires publics essentiellement sages et vertueux. Sans chercher des exemples chez les nations étrangères, nous pourrions en trouver de bien frappants au sein de notre révolution, et dans la conduite même des législatures qui nous ont précédés. Voyez avec quelle lâcheté elles encensaient la royauté ! avec quelle impudence elles prêchaient la confiance aveugle pour les fonctionnaires publics corrompus ! avec quelle insolence elles avilissaient le peuple ! avec quelle barbarie elles l’assassinaient ! Cependant, voyez de quel côté étaient les vertus civiques ; rappelez-vous les sacrifices généreux de l’indigence et la honteuse avarice