Page:Œuvres de Robespierre.djvu/83

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les mêmes feuilles où vous me déchirez[1]. C’est en vain que vous vous efforcez de séparer des hommes que l’opinion publique et l’amour de la patrie ont unis. Les outrages que vous me prodiguez sont dirigés contre lui-même, et les calomniateurs sont les fléaux de tous les bons citoyens. Vous jetez un nuage sur la conduite et sur les principes de mon compagnon d’armes, vous enchérissez sur les calomnies de nos ennemis communs, quand vous osez m’accuser de vouloir égarer et flatter le peuple ! Et comment le pourrais-je ? je ne suis ni le courtisan, ni le modérateur, ni le tribun, ni le défenseur du peuple ! Je suis peuple moi-même. »

Guadet avait dénoncé Robespierre comme étant devenu, « soit malheur, soit ambition, l’idole du peuple, » et ajoutait il : « par amour pour la liberté de notre patrie, il devrait peut-être s’imposer à lui-même la loi de l’ostracisme : car c’est servir le peuple que se dérober à son idolâtrie. » — « Ah ! ce sont les ambitieux et les tyrans qu’il faudrait bannir ! répond Robespierre. Pour moi, où voulez-vous que je me retire ? Quel est le peuple où je trouverai la liberté établie ? et quel despote voudra me donner asile ! Ah ! on peut abandonner sa patrie heureuse et triomphante ; mais menacée, mais déchirée, mais opprimée ? on ne la fuit pas, on la sauve, ou on meurt pour elle. Le ciel qui me donna une âme passionnée pour la liberté, et qui me fît naître sous la domination des tyrans, le ciel qui prolongea mon existence jusqu’au règne des factions et des crimes, m’appelle peut-être à tracer de mon sang la route qui doit conduire mon pays au bonheur et à la liberté ; j’accepte avec transport cette douce et glorieuse destinée. Exigez-vous de moi un autre sacrifice ? Oui, il en est un que vous pouvez demander encore, je l’offre à ma patrie : c’est celui de ma réputation. Je vous la livre, réunissez-vous tous pour la

  1. Pétion, dont Robespierre ne devait pas tarder à se séparer avec éclat.