Page:Œuvres de Robespierre.djvu/96

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un bon citoyen ; c’était donc l’un de nos amis. Pleurez même les victimes coupables réservées à la vengeance des lois, qui ont tombé sous le glaive de la justice populaire ; mais que votre douleur ait un terme comme toutes les choses humaines. Gardons quelques larmes pour des calamités plus touchantes. Pleurez cent mille patriotes immolés par la tyrannie ; pleurez nos citoyens expirants sous leurs toits embrasés ; et les fils des citoyens massacrés au berceau ou dans les bras de leurs mères. N’avez-vous pas aussi des frères, des enfants, des épouses à venger ? La famille des législateurs français, c’est la patrie, c’est le genre humain tout entier, moins les tyrans et leurs complices. Pleurez donc, pleurez l’humanité abattue sous leur joug odieux. Mais consolez-vous, si, imposant silence à toutes les viles passions, vous voulez assurer le bonheur de votre pays et préparer celui du monde. Consolez-vous, si vous voulez rappeler sur la terre l’égalité et la justice exilées, et tarir, par des lois justes, la source des crimes et des malheurs de vos semblables. La sensibilité qui gémit presque exclusivement pour les ennemis de la liberté m’est suspecte. Cessez d’agiter sous mes yeux la robe sanglante du tyran, ou je croirai que vous voulez remettre Rome dans les fers. En voyant ces peintures pathétiques des Lamballe, des Montmorin, de la consternation des mauvais citoyens, et ces déclamations furieuses contre des hommes connus sous des rapports tout à fait opposés, n’avez-vous pas cru lire un manifeste de Brunswick ou de Condé ? Calomniateurs éternels, voulez-vous donc venger le despotisme ? voulez-vous flétrir le berceau de la république ? voulez-vous déshonorer aux yeux de l’Europe la révolution qui l’a enfantée, et fournir des armes à tous les ennemis de la liberté ? Amour de l’humanité, vraiment admirable, qui tend à cimenter la misère et la servitude des peuples, et qui cache le désir barbare de se baigner dans le sang des patriotes ! » D’accusé, Robespierre se fait accusateur à son tour. Il termine en ces