Page:Œuvres de Schiller, Esthétiques, 1862.djvu/234

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l'intelligence suprême puise dans son propre sein, il faut que l’homme commence par la recevoir et, en effet, il la reçoit, par la voie de la perception, comme quelque chose qui est hors de lui dans l’espace, et qui change en lui dans le temps. Cette matière qui change en lui est toujours accompagnée par le moi qui ne change jamais ; et demeurer immuablement lui au milieu du changement, ramener toutes les perceptions à l’expérience, c’est-à-dire à l’unité de connaissance, et faire de chacun de ses modes de manifestation dans le temps la loi de tous les temps, voilà la règle qui est prescrite à l’homme par sa nature rationnelle. 11 n’ existe qu’en tant qu’il change ; lui n’existe qu’en tant qu’il ne change pas. En conséquence, représenté dans sa perfection, l’homme serait l’unité permanente qui demeure toujours la même dans les vagues du changement.

Maintenant, quoiqu’un être infini, une divinité, ne puisse devenir, on doit cependant nommer divine une tendance qui a pour but infini l’attribut le plus caractéristique de la divinité : la manifestation absolue de la puissance (la réalité de tout le possible ) et l’unité absolue de la manifestation (la nécessité de tout le réel). L’homme porte incontestablement en lui, dans sa personnalité , une prédisposition à la divinité. La voie de la divinité, si l’on peut nommer voie ce qui ne conduit jamais au but, lui est ouverte dans les sens.
Considérée en elle-même et indépendamment de toute matière sensible, sa personnalité n’est que la pure virtualité d’une manifestation infinie possible, et, tant qu’il n’a ni intuition ni sentiment, il n’est rien de plus qu’une forme, une puissance vide. Considérée en elle-même et indépendamment de toute activité spontanée de l’esprit, la sensibilité ne peut rien que faire l’homme matière, sans elle il est pure forme ; mais elle ne peut en aucune façon établir l’union entre la matière et lui. Tant qu’il ne fait que sentir, désirer, et agir sous l’influence du désir, il n’est rien de plus que monde, si par ce mot nous désignons seulement le contenu informe du temps. Sans doute, c’est uniquement sa sensibilité qui fait passer sa puissance en acte efficace , mais sa personnalité seule fait que cette activité est sienne. Ainsi, pour n’être pas seulement monde, il faut qu’il donne une forme à la matière ; et pour n’être pas