Page:Œuvres de Spinoza, trad. Appuhn, tome I.djvu/305

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pourra douter quiconque aura seulement salué du seuil cette noble science. Les Définitions en effet ne sont autre chose que des explications très ouvertes des termes et noms par où sont désignés les objets dont il sera traité ; quant aux Postulats et aux Axiomes, ou Notions communes de l’esprit, ce sont des énonciations si claires et distinctes que nul, pour peu qu’il ait compris les mots, ne peut leur refuser son assentiment.

Malgré cela on ne trouve cependant à peu près aucune science, les Mathématiques mises à part, où cette Méthode ait été suivie ; on en suit une autre presque diamétralement opposée, où tout se fait par le moyen de définitions et de divisions constamment enchaînées entre elles et entremêlées çà et là de questions et d’explications. On a jugé en effet presque universellement (et beaucoup qui s’appliquent à constituer les sciences ou en traitent dans leurs écrits jugent encore) que cette méthode est particulière aux Mathématiques et que toutes les autres disciplines y sont opposées et la rejettent. Ainsi est-il advenu que ces auteurs ne démontrent les thèses qu’ils apportent par aucunes raisons apodictiques, mais s’efforcent seulement de les soutenir par des vraisemblances et des arguments probables, et publient de la sorte un amas confus de gros livres dans lesquels on ne peut rien trouver de solide et de certain ; ce dont ils sont tout pleins c’est de controverses et de dissentiments, et ce que l’un a établi par quelques raisons de peu de poids, bientôt l’autre le réfute et, par des armes toutes pareilles, le renverse et le met en pièces ; si bien que l’esprit avide de vérité inébranlable, où il pensait trouver un lac tranquille à souhait et, après