Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/20

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comme Jacobi l’a fort solidement remarqué[1] sa méthode elle-même ; c’en est seulement l’enveloppe, et il y a ici une question tout autrement grave que celle de l’exposition et du style, c’est la question des véritables conditions de la science et de la portée même de l’esprit humain.

Spinoza veut que la science prenne son point d’appui dans l’objet le plus élevé de la pensée, et que, descendant ensuite par degrés des hauteurs de l’Être en soi et par soi, elle suive la chaîne des êtres et reproduise dans le mouvement et l’ordre de ses conceptions l’ordre vrai et le réel mouvement des choses. Si cette méthode est la véritable, il importe fort peu que Spinoza ait employé ou non la forme géométrique. En connaît-on d’ailleurs quelqu’une qui soit mieux appropriée à une méthode essentiellement déductive, et qui paraisse plus capable d’en assurer la marche, d’en tempérer la hardiesse, d’en corriger les excès ?

Si, au contraire, cette méthode n’est pas la véritable, il faut condamner alors, je l’avoue, la forme géométrique, mais avec elle et avant tout la méthode ambitieuse et téméraire qu’elle recouvre. Laissons donc de côté la forme géométrique des pensées de Spinoza, et rendons-nous compte de sa méthode.

Génie essentiellement réfléchi, élevé à l’école sévère de Descartes, Spinoza n’ignorait pas qu’il n’y a point en philosophie de problème antérieur à celui de la méthode. La nature et la portée de l’entendement humain, l’ordre légitime de ses opérations, la loi fondamentale qui les doit régler, tous ces grands objets avaient occupé ses

  1. Jacobi’s Werke, l. c.