Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/57

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que l’on conçoive la durée sans commencement ni fin[1]. « Il n’y a, dit Spinoza, que l’existence des modes qui tombe dans la durée ; celle de la Substance est dans l’éternité, je veux dire qu’elle consiste dans une possession infinie de l’être (essendi). »

L’immutabilité de la Substance, ce n’est encore que la Substance elle-même, en tant que son existence et son essence sont une seule et même chose ; d’où il suit que si la Substance subissait quelque altération dans son existence, elle la subirait aussi dans son essence, ce qui implique[2].

L’Activité, la Causalité, la Puissance de Dieu, c’est tout un, et tout cela c’est toujours son essence[3]. De la seule nécessité de l’essence divine, il résulte en effet que Dieu est cause de soi[4] et de toutes choses[5]. Donc la puissance de Dieu, par laquelle toutes choses existent et agissent, est l’essence même de Dieu.

Il suit de là que notre science de la nature divine, suivant Spinoza, est contenue tout entière dans ces trois propositions :

Dieu est l’Existence absolue, ou, ce qui est la même chose, l’Activité ou la Liberté absolues[6].

Dieu est l’Étendue absolue.

Dieu est la Pensée absolue.

Ce n’est point chose aisée que de bien entendre Spi-

  1. Sur le rapport de l’éternité à la durée, voyez une fort belle lettre de Spinoza à Louis Meyer, tome III, page 382 et suiv. — Comp. Plotin, Ennéades, III, livre VII.
  2. De Dieu, Coroll. 2 de Propos. 20.
  3. Éthique, part. 1, Propos 34.
  4. Par la Propos. 11, part. 1.
  5. Par la Propos. 16, part. 1, et son Coroll.
  6. Pour l’identité de l’Activité et de la Liberté, voyez Éthique, part. 1, Défin. 7, et Propos. 17, avec ses Coroll. et son Schol.