Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/59

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Si nous avons une connaissance adéquate de l’essence de Dieu, aussi bien que de l’étendue et de la pensée divines, il est donc possible de définir la nature de ces trois choses et d’en marquer les rapports ; mais c’est ici qu’il est surtout difficile et nécessaire d’aller au fond de la doctrine de Spinoza.

Spinoza déclare positivement que Dieu est absolument indivisible, aussi bien dans ses attributs que dans son essence[1] ; d’où il suit évidemment, et c’est encore sa doctrine très-positive et très-expresse[2], que Dieu est incorporel.

Or, si Dieu pris en soi ne souffre aucune limite corporelle, il doit être également affranchi de toute limitation intellectuelle. Supposer en Dieu un entendement et une volonté, même infinis, ce n’est pas moins absurde que d’y supposer du mouvement ; dans les deux cas on dégrade également la majesté de la nature divine[3]. L’entendement, en effet, et la volonté, même infinis, sont des modes de la Pensée[4], comme le mouvement et la figure sont des modes de l’Étendue. Dieu en soi n’a donc ni corps, ni entendement, ni volonté[5].

La science de Dieu, suivant Spinoza, aboutit donc à ce triple résultat :

Dieu est étendu, et toutefois incorporel.

Dieu pense, et il n’a pas d’entendement.

Dieu est actif et libre, et il n’a pas de volonté.

  1. De Dieu, Propos, 12 et 23.
  2. Éthique, part. 1, Schol. de la Propos. 15. Voyez aussi Lettre à Oldenburg, tome III, page 365.
  3. Éthique, part. 1, Schol. de la Propos. 32.
  4. De Dieu, Propos. 31.
  5. Voyez le Schol. de la Propos. 17, part. 1.