Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et rien que lui ? est-ce à la fois lui-même et toutes choses ? Ensuite quelle est la nature de cette divine pensée ? A-t-elle avec la nôtre quelque analogie, ou du moins quelque ombre de ressemblance, et l’exemplaire tout parfait laisse-t-il retrouver, dans cette imparfaite copie que nous sommes, quelque trace de soi ?

La réponse de Spinoza à ces hautes questions ne peut être pleinement entendue qu’à une condition : c’est d’avoir parcouru le cercle entier de sa métaphysique. Dans un système comme le sien, où Dieu et la Nature ne sont au fond qu’une seule et même existence, comprendre la nature divine considérée en elle-même et hors des choses, ce n’est pas vraiment la comprendre, c’est tout au plus l’entrevoir.

Dieu, en tant que Dieu, si l’on peut parler de la sorte, c’est-à-dire en tant qu’absolu, c’est la Substance avec les attributs qui constituent son essence, comme la Pensée et l’Étendue. La Nature, en soi, ce sont toutes ces choses mobiles et successives qui s’écoulent dans l’infinité de la Durée. Mais que sont au fond ces âmes toujours changeantes, ces corps périssables que le mouvement forme et détruit tour à tour ? ce ne sont pas des êtres véritables, mais des modes fugitifs qui apparaissent pour un jour sur la scène du monde d’une manière déterminée, et y expriment a leur façon la perfection de l’Étendue, la perfection de la Pensée, en un mot, la perfection de l’Être.

Séparer la Nature de Dieu ou Dieu de la Nature, c’est, dans le premier cas, séparer l’effet de sa cause, le mode de sa substance ; c’est, dans le second, séparer la cause absolue de son développement nécessaire, la substance absolue des modes qui expriment nécessairement la