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TRAITÉ

au milieu de nous ; un esprit d’aveugle obstination anime ce peuple, » etc. L’aveugle obstination des Juifs fut donc la raison qui le détermina à invoquer le secours externe de Dieu ; et c’est ce qu’on voit plus clairement encore dans le passage suivant : Dieu répond (vers. 20) : « Voici que je forme avec vous une alliance, et j’accomplirai devant votre peuple des merveilles qui n’ont jamais été faites sur toute la terre ni parmi toutes les nations. » Il ne s’agit donc pour Moïse, ainsi que je l’ai déjà expliqué, que de la seule élection des Juifs, et il ne demande pas autre chose à Dieu. Cependant je trouve dans l’épître de Paul aux Romains un autre texte qui fait sur moi quelque impression ; car Paul (chap. iii, vers. 2) y semble exprimer une doctrine opposée à la mienne : « Quelle est, dit-il, la supériorité du Juif ? quelle est l’utilité de la circoncision ? elles sont grandes de toutes façons, et avant tout en ce que les paroles de Dieu leur ont été commises. » Mais si nous examinons de près le dessein de Paul en ce passage, nous n’y trouverons rien de contraire à notre doctrine ; tout au contraire, il y a parfait accord, puisqu’il dit au même chap. (vers. 29) que Dieu est le Dieu des Juifs et des gentils ; et au chap. ii, vers. 25, 26, il s’exprime ainsi : « Si le circoncis transgresse la loi, la circoncision deviendra prépuce ; et si l’incirconcis garde les préceptes de la loi ; son prépuce deviendra circoncision. » Plus bas (chap. iv, vers. 9) il dit que tous les hommes, les gentils comme les Juifs, sont dans le péché, et il n’y a pas de péché là où il n’y a pas un commandement et une loi. La conséquence évidente de ce passage, c’est donc que la loi a été révélée à tous les hommes sans exception (comme nous l’avons prouvé déjà par le chap. xxviii de Job, vers. 28), et qu’ils ont tous vécu sous son empire ; je parle de cette loi qui se rapporte uniquement à la pratique de la vertu, et non de celle qui est établie pour le maintien de chaque empire et appropriée au génie de chaque nation. Voici donc la conclusion où Paul veut aboutir : c’est que Dieu étant le Dieu de toutes les nations, c’est-à-dire également pro-