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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

promise seulement aux justes d’entre les Juifs, à l’exclusion des autres justes. Il faut croire au contraire que les prophètes des gentils (nous avons prouvé que toutes les nations ont eu des prophètes) l’ont également promise aux fidèles de leur pays et les ont consolés par cette espérance. Ainsi donc, puisque cette éternelle alliance de connaissance et d’amour est une alliance universelle, ainsi qu’il suit le plus évidemment du monde du chap. iii de Tséphonias (vers. 10 et 11), il ne faut admettre aucune différence à cet égard entre les Juifs et les gentils, ni par conséquent aucune autre élection particulière du peuple hébreu. Que si les prophètes qui ont parlé de cette élection relative à la seule vertu y ont mêlé beaucoup de choses touchant les sacrifices et autres cérémonies, ainsi que sur le rétablissement du temple et de Jérusalem, c’est qu’ils ont parlé en prophètes (dont la coutume était d’envelopper les choses spirituelles sous ces figures), afin d’indiquer par là en même temps aux Juifs, dont ils étaient spécialement les prophètes, que leur temple devait être rebâti sous le règne de Cyrus et leur empire relevé. Il ne faut donc point que les Juifs s’imaginent aujourd’hui avoir eu quelque avantage sur le reste des nations. Quant à leur longue dispersion, il n’est point surprenant qu’ils aient subsisté si longtemps depuis la ruine de leur empire, puisqu’ils se sont séquestrés des autres peuples et se sont attiré leur haine, non-seulement par des coutumes entièrement contraires, mais par le signe de la circoncision qu’ils observent très-religieusement. Or, que la haine des nations soit pour les juifs un principe de conservation, c’est ce que nous avons vu par expérience. Un roi d’Espagne les ayant autrefois contraints ou de quitter son royaume ou d’en embrasser la religion, il y en eut une infinité qui prirent ce dernier parti. Et comme en se faisant chrétiens ils devenaient capables de tous les privilèges des autres citoyens et dignes de tous les honneurs, ils se mêlèrent si étroitement aux Espagnols qu’il ne reste plus d’eux aucune