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TRAITÉ

conséquent pas douter que dans les saintes Écritures il n’y ait une foule de choses miraculeuses qui s’expliquent très-simplement par les principes aujourd’hui connus des choses naturelles. C’est ce que nous avons déjà fait pressentir plus haut à propos du miracle de Josué arrêtant le soleil, et de la rétrogradation de ce même astre au temps d’Achaz ; mais nous traiterons bientôt plus au long cette matière de l’interprétation des miracles, qui fait en partie l’objet de ce chapitre.

Je veux établir maintenant mon second principe, qui est que les miracles ne nous font nullement comprendre ni l’essence, ni l’existence, ni la providence de Dieu, mais au contraire que toutes ces vérités nous sont manifestées d’une façon beaucoup plus claire par l’ordre fixe et immuable de la nature. Voici ma démonstration : l’existence de Dieu n’étant pas évidente d’elle-même[1], il faut nécessairement qu’on la déduise de certaines notions dont la vérité soit si ferme et si inébranlable qu’il n’y ait aucune puissance capable de les changer. Tout au moins faut-il que ces notions nous apparaissent avec ce caractère de certitude absolue, au moment où nous en inférons l’existence de Dieu ; sans quoi nous ne pourrions aboutir à une conclusion parfaitement assurée. Il est clair, en effet, que si nous venions à supposer que ces notions peuvent être changées par une puissance quelconque, nous douterions à l’instant même de leur vérité, nous douterions de l’existence de Dieu, qui se fonde sur elles ; en un mot, il n’est rien au monde dont nous pussions être certains. Maintenant, à quelles conditions disons-nous qu’une chose est conforme à la nature, ou qu’elle y est contraire ? à condition qu’elle soit conforme ou contraire à ces notions premières. Si donc nous venions à supposer que, par la vertu d’une certaine puissance, quelle qu’elle soit, il se produit dans la nature une chose contraire à la nature, il faudrait concevoir

  1. Voyez les Notes marginales de Spinoza, note 7.