Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
THÉOLOGICO-POLITIQUE.

des notions claires et non par des miracles, qui font consister la félicité véritable dans la seule vertu et dans la tranquillité de l’âme, qui enfin veulent obéir à la nature, et non pas la faire obéir, parce qu’ils savent de science certaine que Dieu dirige la nature suivant des lois universelles et non pas suivant les lois particulières de la nature humaine, en un mot que Dieu n’est pas seulement le Dieu du genre humain, mais le Dieu de la nature entière. Je conclus donc de tout ce qui précède que, d’après l’Écriture elle-même, les miracles ne donnent point de Dieu une connaissance vraie, ni de sa providence un clair témoignage. Je sais bien qu’il est souvent dit dans l’Écriture que Dieu a fait des prodiges pour se faire connaître aux hommes ; ainsi dans l’Exode (chap. x, vers. 2), Dieu trompe les Égyptiens et donne des signes de son existence, afin que les Israélites sachent qu’il est le vrai Dieu ; mais il ne résulte point de là que les miracles soient des témoignages de l’existence de Dieu ; il en résulte seulement que les Juifs avaient de telles opinions qu’ils pouvaient être facilement convaincus par des miracles de cette sorte. Nous avons en effet démontré dans notre chapitre ii que les preuves prophétiques, c’est-à-dire les preuves tirées de la révélation, ne se fondent pas sur les notions universelles et communes à tous les hommes, mais sur les idées reçues, quoique absurdes, et sur les opinions de ceux qui reçoivent la révélation et que le Saint-Esprit veut convaincre : doctrine que nous avons confirmée par un grand nombre d’exemples, et même par le témoignage de Paul, qui était Grec avec les Grecs, et Juif avec les Juifs. Du reste, si tous ces miracles avaient le don de convaincre les Égyptiens et les Hébreux en vertu de leurs idées habituelles, ils n’en étaient pas moins incapables de leur donner une idée véritable de Dieu ; tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était de leur prouver qu’il existe une divinité plus puissante que toutes les choses qui tombaient sous leur connaissance, et que Dieu prenait un soin particulier des affaires des Hébreux, qui