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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

qu’il peut tirer d’une lecture faite avec sincérité, et à tout le monde la faculté d’entendre l’Écriture par une méthode toute différente. Il faut donc absolument rejeter la méthode de Maimonide comme inutile, dangereuse et absurde.

Si on nous propose maintenant la tradition des pharisiens ou l’autorité des pontifes de Rome, nous dirons que la première n’est pas d’accord avec elle-même ; et quant à la seconde, elle ne s’appuie pas sur des témoignages assez authentiques, et nous n’avons pas d’autre motif pour la rejeter. Car si l’Écriture nous montrait l’autorité de ces pontifes aussi clairement qu’elle fait celle des pontifes de l’ancienne loi, peu nous importerait qu’il y ait eu des papes hérétiques et impies, puisqu’il s’en est également rencontré parmi les Hébreux qui ne valaient pas davantage, et qui se sont emparés du pontificat par des moyens illégitimes, ce qui ne les a pas empêchés d’exercer le pouvoir suprême d’interpréter la loi. On peut en voir la preuve dans l’Exode, chap. xvii, vers. 11 et 12 ; chap. xxxiii, vers. 10 ; et dans Malachie, chap. ii, vers. 8. Or, comme nous ne rencontrons dans l’Écriture aucun témoignage semblable en faveur des pontifes romains, leur autorité demeure à nos yeux fort suspecte. On dira peut-être que la religion catholique n’a pas moins besoin d’un pontife que l’ancienne loi ; mais ce n’est là qu’une illusion ; car il faut remarquer que la loi de Moïse étant pour les Hébreux le droit public de la patrie, elle ne pouvait subsister sans une autorité publique ; car s’il était permis à chaque citoyen d’interpréter à son gré les droits des autres citoyens, il n’y a point d’État qui fût capable de se maintenir. Le droit public ne serait plus que le droit particulier, et l’ordre social s’écroulerait incontinent. Mais il en va tout autrement en matière de religion : car comme elle consiste moins dans les œuvres extérieures que dans la simplicité et la pureté de l’âme, elle n’a besoin d’être protégée par aucune autorité publique. Ce n’est point en effet l’empire des lois, ce n’est point la force publique, qui donnent aux cœurs cette droiture et cette