Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/289

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personne cependant qui, pour justifier ses crimes, essaye de détruire les lois ou de faire passer une maxime impie pour un enseignement éternel et salutaire ; telle est en effet la nature humaine que chacun (roi ou sujet), s’il a commis une action honteuse, cherche à l’environner soigneusement de telles circonstances qu’on puisse croire qu’il n’a forfait en rien ni à la justice ni à l’honneur. Nous concluons donc d’une manière absolue que toute la loi divine universelle, enseignée par l’Écriture, est arrivée sans tache jusque dans nos mains. Il est encore d’autres choses qui, à n’en pouvoir douter, nous ont été transmises de bonne foi, telles que le fond des récits historiques de l’Écriture, parce qu’ils étaient bien connus de tous. Le peuple juif avait coutume autrefois de chanter en psaumes les antiquités de sa race. Outre cela, le gros des actions du Christ et aussi sa passion furent immédiatement divulgués dans tout l’empire romain. Il ne faut donc pas croire (à moins d’admettre, ce qui est incroyable, que la plus grande partie des hommes se soit entendue pour répandre l’erreur) que, pour ce qu’il y a d’important dans ces histoires, les générations postérieures l’aient transmis autrement qu’elles ne l’avaient reçu des premières. Ainsi tout ce qui est défectueux ou altéré ne peut se trouver que dans le reste, par exemple dans une ou deux circonstances d’une histoire ou d’une prophétie, pour exciter plus vivement la dévotion populaire, ou dans un ou deux miracles, pour déconcerter les philosophes, ou enfin, dans les choses spéculatives, depuis que les schismatiques les ont introduites dans la religion pour autoriser leurs fictions, en les appuyant abusivement sur l’autorité divine. Mais il importe peu au salut que de telles choses aient été altérées ou non, comme je vais le démontrer spécialement dans le chapitre qui suit, bien que j’estime que ce point résulte déjà assez clairement de ce qui précède, et surtout du chapitre second.