Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/301

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sans les œuvres, et je te montrerai ma foi d’après mes œuvres. Et Jean, dans l’Epître I (chap. IV, vers. 7, 8), s’exprime ainsi : Celui qui aime (à savoir, le prochain) est né de Dieu et il connaît Dieu ; mais celui qui n’aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est charité. Il s’ensuit encore que nous ne pouvons juger qu’un homme est fidèle ou qu’il ne l’est pas, si ce n’est par ses œuvres, c’est-à-dire que celui dont les œuvres sont bonnes, quoiqu’il diffère par ses doctrines des autres fidèles, ne laisse pas d’être fidèle, et que si, au contraire, ses œuvres sont mauvaises, il est infidèle, quoiqu’il accepte et professe l’opinion reçue. Car là où se trouve l’obéissance, là se rencontre nécessairement la foi ; mais la foi sans les œuvres est une foi morte. C’est encore ce qu’enseigne expressément le même apôtre au verset 13 de ce même chapitre : Par là nous connaissons, dit-il, que nous demeurons en lui et qu’il demeure en nous, parce qu’il nous a fait participer de son esprit, c’est-à-dire parce qu’il nous a donné la charité. Or il avait dit auparavant que Dieu est charité : d’où il infère (d’après ses principes, universellement admis de son temps) que quiconque a la charité a véritablement l’esprit de Dieu. Il y a plus : de ce que personne n’a vu Dieu, il en conclut que personne n’a le sentiment ou l’idée de Dieu que par la charité envers le prochain, et par conséquent que personne ne peut connaître d’autre attribut de Dieu que cette charité en tant que nous y participons. Que si ces raisons ne sont pas péremptoires, elles expliquent cependant avec assez de clarté la pensée de Jean ; mais on trouve une déclaration plus explicite encore dans la même Épître (chap. II, vers. 3, 4), où il enseigne très-expressément ce que nous voulons établir ici : Et par là, dit-il, nous savons que nous le connaissons, si nous gardons ses commandements. Celui qui dit : Je le connais, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n’est point en lui. D’où il suit encore que ceux-là sont réellement des antéchrists qui poursuivent les honnêtes gens, amis de la justice, parce qu’ils sont en dissentiment avec