Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/312

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demment des erreurs ; et cependant, à en croire cet auteur, tout cela devrait être supposé véritable, parce qu’il ne veut pas qu’en ces matières on prenne aucun conseil de la raison. Ensuite, il a tort d’affirmer qu’entre deux passages on peut bien trouver une opposition indirecte, mais non pas expresse. Car Moïse assure directement que Dieu est un feu (voyez Deutéron., chap. IV, vers. 24), et il nie aussi directement que Dieu ait aucune ressemblance avec les choses visibles (voyez Deutéron., chap. IV, vers. 12). Que si notre auteur réplique que ce passage ne nie pas directement, mais seulement par voie de conséquence, que Dieu soit un feu, et conséquemment qu’il faut l’approprier à ce sens pour qu’il ne semble pas le nier, accordons alors que Dieu est un feu ; ou plutôt, pour ne pas partager sa folie, laissons cela de côté et produisons un autre exemple. Shamuel nie directement que Dieu se repente de ses décrets (voyez Shamuel, chap. XV, vers 29), tandis que Jérémie affirme, au contraire, que Dieu se repentit du bien et du mal qu’il avait décrétés (voyez Jérémie, chap. XVIII, vers. 10). Quoi ! ces passages ne sont-ils pas directement opposés l’un à l’autre ? Quel est donc celui des deux qu’on veut expliquer métaphoriquement ? Ils sont l’un et l’autre universels et de plus contradictoires ; ce que l’un affirme directement, l’autre le nie directement. Donc, en se conformant à sa propre règle, notre rabbin est obligé d’adopter un fait comme vrai, en même temps qu’il le rejette comme faux. Ensuite, qu’importe qu’un passage ne répugne pas directement à un autre, mais seulement par conséquence, si la conséquence en est claire, et si la place et la nature du passage ne permettent pas d’explications métaphoriques ? On trouve un grand nombre de ces passages dans la Bible ; et l’on peut consulter à ce sujet notre second chapitre, où nous avons fait voir que les prophètes ont eu des opinions diverses et contraires, et surtout nos chapitres IX et X, où nous avons fait ressortir toutes ces contradictions dont fourmillent les livres historiques de l’Écriture.