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XXXIII
la vie de spinoza.

Amsterdam chez les Wasbergen. Il n’est pas étrange que, dans un livre tel que celui qui a pour titre : Suite de la Vie de Philopater, on ait tâché de diffamer ce savant homme et de flétrir sa réputation après sa mort. On débite, dans cet écrit pernicieux, que M. Wittichius était un excellent philosophe, grand ami de Spinoza, avec qui il était dans un commerce étroit, qu’ils cultivaient l’un et l’autre par lettres et par des entretiens particuliers qu’ils avaient souvent ensemble, qu’ils étaient, en un mot, tous deux, dans les mêmes sentiments, que cependant, pour ne passer pas dans le monde pour spinoziste, M. Wittichius avait écrit contre le Traité de Morale de Spinoza, et qu’on n’avait fait imprimer sa réfutation qu’après sa mort, que dans la vue de lui conserver son honneur et la réputation de chrétien orthodoxe. Voilà les calomnies que cet insolent a avancées ; je ne sais d’où il les a puisées, ni sur quelle apparence de vérité il appuie tant de mensonges. D’où a-t-il appris que ces deux philosophes avaient un commerce si particulier ensemble, qu’ils se voyaient et s’écrivaient si souvent l’un à l’autre ? On ne trouve aucune lettre de Spinoza écrite à M. Wittichius, ni de M. Wittichius écrite à Spinoza, parmi les lettres de cet auteur qu’on a pris soin de faire imprimer, et il n’y en a aucune non plus parmi celles qui sont restées sans être imprimées ; de sorte qu’il y a tout lieu de croire que cette liaison étroite et les lettres qu’ils s’écrivaient l’un à l’autre sont du cru et de l’invention de ce calomniateur. Je n’ai, à la vérité, jamais eu occasion de parler à M. Wittichius ; mais je connais assez particulièrement M. Zimmermann, son neveu, ministre pour le présent de l’Église anglicane, et qui a demeuré avec son oncle pendant ses dernières années. Il ne m’a rien communiqué sur ce sujet qui ne fût fort opposé à ce que débite l’auteur de la Vie de Philopater, jusqu’à me faire voir un écrit que son oncle lui avait dicté, où les sentiments de Spinoza étaient également bien expliqués et réfutés. Pour le justifier entièrement, faut-il autre chose que ce dernier ouvrage qu’il a composé ? C’est là où l’on voit quelle est sa créance, et où il fait en quelque manière une profession de foi peu de temps avant sa mort. Quel homme, touché de quelque sentiment de religion, osera penser, et moins encore écrire, que tout ceci n’a été qu’hypocrisie, fait uniquement en vue de pouvoir aller à l’église, sauver les apparences, et n’avoir pas la réputation d’impie et de libertin ?