Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/341

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eux, et que Dieu les protége de son bras. Et de cette manière les monarques ont pourvu à leur sécurité par mille dispositions, que je passe sous silence, pour arriver aux choses dont je me propose de traiter. Je me bornerai, comme je l’ai dit, à indiquer et à examiner les dispositions que Dieu révéla autrefois à Moïse.

J’ai déjà dit ci-dessus, chapitre V, qu’après la sortie d’Égypte, les Hébreux n’étaient plus assujettis aux lois d’aucune nation, et qu’il leur était loisible d’instituer des lois nouvelles et de choisir les terres qui seraient à leur convenance. En effet, délivrés de l’intolérable oppression des Égyptiens, sans engagement avec personne, ils étaient rentrés dans leur droit naturel sur toutes choses ; et chacun pouvait se poser la question de savoir s’il se conserverait ce droit, ou bien s’il s’en dépouillerait et le confierait à autrui. C’est donc lorsqu’ils étaient rétablis dans cet état de nature que, d’après le conseil de Moïse, auquel avait foi le peuple entier, ils prirent la résolution de déposer leurs droits dans les mains, non pas d’un homme, mais de Dieu lui-même ; et que, sans hésitation, unanimement, ils promirent d’obéir absolument à tous les ordres de Dieu, et de ne reconnaître d’autre droit que celui que Dieu révélerait lui-même par ses prophètes. Et cette promesse ou cet abandon du droit de chacun à Dieu s’opéra de la même façon que nous avons conçu que cela arrive dans les sociétés ordinaires, lorsque le peuple se détermine à se dépouiller de ses droits naturels. C’est en effet en vertu d’un pacte (voyez l’Exode, chap. XXIV, vers. 7), et en s’obligeant par serment, qu’ils renoncèrent librement, et non par force ou par crainte, à leurs droits naturels, et les transférèrent à Dieu. Ensuite, pour que ce pacte fût solidement établi et à l’abri de tout soupçon de fraude, Dieu ne ratifia rien avec les Hébreux avant qu’ils eussent fait l’épreuve de son admirable puissance, à qui seule ils avaient dû leur salut, et qui seule aussi pouvait les maintenir dans un état prospère (voyez l’Exode, chap. XIX, vers. 4,