Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/469

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et leurs proches, lesquels en temps de paix sont tous occupés de soins domestiques, qui seront forcés pendant la guerre de s’appliquer au métier des armes et de marcher au combat, sans espoir de rien rapporter au logis que des cicatrices gratuites. Car, comme nous l’avons dit à l’article 30 du précédent chapitre, l’armée ne doit recevoir aucune solde, et puis (article 10 du même chapitre) elle doit être formée des seuls citoyens.

8. Une autre condition de grande importance pour le maintien de la paix et de la concorde, c’est qu’aucun citoyen n’ait de biens fixes (voyez l’article 12 du chapitre précédent). Par ce moyen, tous auront à peu près le même péril à craindre de la guerre. Tous en effet se livreront au commerce en vue du gain et se prêteront mutuellement leur argent, pourvu toutefois qu’à l’exemple des anciens Athéniens on ait interdit à tout citoyen par une loi de prêter à intérêt à quiconque ne fait pas partie de l’État. Tous les citoyens auront donc à s’occuper d’affaires qui seront impliquées les unes dans les autres ou qui ne pourront réussir que par la confiance réciproque et par le crédit ; d’où il résulte que la plus grande partie du Conseil sera presque toujours animée d’un seul et même esprit touchant les affaires communes et les arts de la paix. Car, comme nous l’avons dit à l’article 4 du présent chapitre, chacun ne défend l’intérêt d’autrui qu’autant qu’il croit par là même assurer son propre intérêt.

9. Que personne ne se flatte de pouvoir corrompre le Conseil par des présents. Si, en effet, on parvenait â séduire un ou deux conseillers, cela ne servirait à rien, puisqu’il est entendu que tout avis qui n’aura pas réuni pour le moins cent suffrages sera nul.

10. Il est également certain que le Conseil une fois établi, ses membres ne pourront être réduits à un nombre moindre. Cela résulte en effet de la nature des passions humaines, tous les hommes étant sensibles au plus haut