Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/522

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et de cette façon chacune d’elles doit se trouver sous l’administration de telle ou telle ville qui se gouverne elle-même. La raison en est que les patriciens ne sont pas élus par le conseil suprême de l’empire, mais par le conseil suprême de chaque ville, et qu’ils sont, dans chaque ville, plus ou moins nombreux suivant le nombre de ses habitants dans les limites de sa juridiction (art. 5 de ce chapitre). C’est ce qui explique la nécessité de faire entrer dans le recensement d’une population qui se gouverne celle qui ne se gouverne pas, et de la placer sous sa direction. Les villes prises par droit de conquête et annexées à l’empire, doivent être traitées comme sœurs de l’empire et liées à lui par ce bienfait ; ou bien il y faut envoyer des colonies jouissant du droit de l’État et transporter ailleurs leur population ou la détruire entièrement.

14. Voilà pour ce qui regarde les fondements de ce gouvernement. Voici maintenant d’où je conclus que sa condition est meilleure que celle du gouvernement qui tire son nom d’une seule ville : c’est que les patriciens de chaque ville, cédant aux penchants naturels de l’homme, s’efforceront de conserver et d’augmenter, s’il se peut, leur droit, tant dans le Sénat que dans la ville. Et par suite ils auront à cœur de s’attacher la multitude, par conséquent de faire sentir leur action dans l’empire par les bienfaits plutôt que par la crainte, et d’augmenter leur nombre. Plus ils seront nombreux, en effet, plus ils éliront parmi eux de sénateurs (art. 6 de ce chap.), et plus ils auront de droit dans l’empire (même art.). Et il n’y a pas de mal à ce que les villes aient entre elles de fréquents dissentiments et passent le temps à disputer, parce que chacune d’elles ne songe qu’à ses intérêts et porte envie aux autres. Si Sagonte succombe pendant que les Romains délibèrent (voyez Tite-Live, Hist., XXI, 6), il est vrai aussi que la liberté et le bien public périssent lorsqu’un petit nombre d’hommes décident de tout par leur seule passion. Les esprits des hommes sont en général trop émoussés