Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/533

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quoique par cette raison des gouvernements de cette sorte, – c’est-à-dire ceux où l’on ne voit pas les meilleurs citoyens gouverner, mais des individus que le hasard a faits riches, ou les aînés, – paraissent inférieurs au gouvernement aristocratique, cependant, si nous considérons la pratique ou la nature commune des hommes, la chose reviendra au même. Car les patriciens jugeront toujours comme les meilleurs les gens riches ou bien ceux qui leur sont unis par les liens du sang ou de l’amitié ; et à coup sûr si les patriciens devaient élire leurs collègues patriciens, sans passion et en vue du seul intérêt public, il n’y aurait point de gouvernement à opposer au gouvernement aristocratique. Mais la pratique a démontré surabondamment que les choses se passent d’une tout autre façon, surtout dans les oligarchies, où la volonté des patriciens, par le manque de rivaux, est plus que partout ailleurs dégagée de toute loi. Là, en effet, ce que les patriciens ont le plus à cœur, c’est de repousser du conseil les plus dignes citoyens et ils choisissent pour collègues des gens qui n’ont d’autre volonté que la leur ; de telle façon que dans un pareil gouvernement les affaires se font bien plus mal, parce que l’élection des patriciens dépend de la volonté complètement libre de quelques individus, je veux dire, d’une volonté exempte de toute loi. Mais je reviens à mon sujet.

3. D’après ce qui a été dit dans l’article précédent, il est évident que nous pouvons concevoir plusieurs genres de gouvernement démocratique. Mais mon but n’est pas de m’occuper de chacun d’eux, mais seulement de celui où, sans exception, tous ceux qui n’obéissent qu’aux lois de leur patrie, qui de plus sont leurs maîtres et vivent honnêtement, ont le droit de suffrage dans le conseil souverain et le droit d’occuper des fonctions dans le gouvernement. Je dis expressément : ceux qui n’obéissent qu’aux lois de leur patrie, pour exclure les étrangers, qui sont censés dépendre d’un autre gouvernement. J’ai ajouté : qui sont leurs maîtres pour le reste, voulant