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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/145

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ne croit lui avoir donné aucun sujet de haine, le hait à son tour.

Démonstration : Celui qui imagine une personne animée par la haine ressent aussi de la haine (par la Propos. 27, partie 3) ; en d’autres termes (par le Schol. de la Propos. 13, partie 3), il éprouve une tristesse accompagnée de l’idée d’une cause extérieure. Or (par hypothèse) il n’imagine ici aucune autre cause de tristesse que la personne même qui le hait ; en conséquence, par cela qu’il imagine qu’il est haï par elle, il éprouve une tristesse accompagnée de l’idée de la personne qui le hait ; en d’autres termes (par le même Scholie déjà cité), il la hait à son tour

Scholie : Que s’il vient à imaginer qu’il ait donné à celui qui le hait un juste sujet de haine, il éprouvera de la honte (par la Propos. 30 et son Schol.). Mais cela arrive rarement (par la Propos. 25, partie 3). J’ajoute que cette haine réciproque peut aussi venir de ce que la haine est suivie (par la Propos. 39, partie 3) d’un effort pour faire du mal à celui qui en est l’objet. D’où il résulte que celui qui se croit haï par un autre se le représente comme une cause de mal ou de tristesse, et partant est saisi d’un sentiment de tristesse ou de crainte accompagné de l’idée de celui qui le hait ; en d’autres termes, il le hait à son tour, ainsi qu’on l’a démontré plus haut.

Corollaire I : Celui qui se représente l’objet aime comme ayant pour lui de la haine est combattu entre la haine et l’amour. Car en tant qu’il croit que l’objet aimé a pour lui de la haine, il est déterminé à le haïr à son tour (par la Propos. précédente). Mais (par hypothèse) il aime cependant celui qui le hait. Il est donc combattu entre la haine et l’amour.

Corollaire II : Celui qui imagine qu’une personne pour laquelle il n’a encore ressenti aucune espèce de passion a été poussée par la haine à lui causer un certain mal s’efforcera incontinent de lui causer ce même mal.

Démonstration : En effet, celui qui imagine qu’une certaine personne a pour lui de la haine la haïra à son tour (par la Propos. précéd.),