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LETTRES.

sophiques. Adieu donc, et croyez-moi pour la vie le zélé admirateur de votre érudition et de votre science.

Londres, 16 décembre 1675.




LETTRE X[1].

RÉPONSE À LA PRÉCÉDENTE
À MONSIEUR HENRI OLDENBOURG,
B. DE SPINOZA


Monsieur,

Je vois enfin quelle est cette doctrine que vous me demandiez de tenir secrète ; mais comme elle est le fondement du traité que j’avais dessein de publier[2], je suis tout disposé à vous expliquer sous quel point de vue j’admets la nécessité de toutes choses et la fatalité des actions. Car je suis loin de soumettre Dieu en aucune façon au fatum ; seulement je conçois que toutes choses résultent de la nature de Dieu avec une nécessité inévitable, de la même façon que tout le monde conçoit qu’il résulte de la nature de Dieu que Dieu ait l’intelligence de soi-même. Assurément, il n’est personne qui conteste que cela ne résulte en effet de l’essence de Dieu ; et cependant personne n’entend par là soumettre Dieu au fatum ; et tout le monde croit que Dieu se comprend soi-même avec une parfaite liberté, quoique nécessairement. J’ajoute que cette inévitable nécessité des choses n’ôte rien à la perfection de Dieu ni à la dignité de l’homme ; car les préceptes moraux, soit qu’ils prennent la forme d’une loi ou d’un droit émané de Dieu même, soit qu’ils

  1. La XXIIIe des Opp. posth.
  2. L’Éthique.