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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/258

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La Diva


 

On donnait à Favart Mosé. Tamburini,
Le basso cantante, le ténor Rubini,
Devaient jouer tous deux dans la pièce ; et la salle
Quand on l’eût élargie et faite colossale,
Grande comme Saint-Charle ou comme la Scala,
N’aurait pu contenir son public ce soir-là.
Moi, plus heureux que tous, j’avais tout à connaître,
Et la voix des chanteurs et l’ouvrage du maître.
Aimant peu l’opéra, c’est hasard si j’y vais,
Et je n’avais pas vu le Moïse français ;
Car notre idiome, à nous, rauque et sans prosodie,
Fausse toute musique ; et la note hardie,
Contre quelque mot dur se heurtant dans son vol,
Brise ses ailes d’or et tombe sur le sol.
J’étais là, les deux bras en croix sur la poitrine,
Pour contenir mon cœur plein d’extase divine ;
Mes artères chantant avec un sourd frisson,
Mon oreille tendue et buvant chaque son,
Attentif, comme au bruit de la grêle fanfare,
Un cheval ombrageux qui palpite et s’effare ;
Toutes les voix criaient, toutes les mains frappaient,
A force d’applaudir les gants blancs se rompaient ;