Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/361

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Leur existence étrange est le réel du rêve :
Ils exécuteront votre plan idéal,
Comme un maître savant le croquis d’un élève ;

Vos désirs inconnus, sous l’arceau triomphal
Dont votre esprit en songe arrondissait la voûte,
Passent assis en croupe au dos de leur cheval.

D’un pied sûr, jusqu’au bout ils ont suivi la route
Où, dès les premiers pas, vous vous êtes assis,
N’osant prendre une branche au carrefour du doute.

De ceux-là chaque peuple en compte cinq ou six,
Cinq ou six tout au plus, dans les siècles prospères,
Types toujours vivants dont on fait des récits.

Nature avare, ô toi, si féconde en vipères,
En serpents, en crapauds tout gonflés de venins,
Si prompte à repeupler tes immondes repaires,

Pour tant d’animaux vils, d’idiots et de nains,
Pour tant d’avortements et d’œuvres imparfaites,
Tant de monstres impurs échappés de tes mains,

Nature, tu nous dois encor bien des poètes !