Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/162

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De vases, d’objets d’art, de brocarts opulents,
Miroités de lumière et de rayons tremblants.
Tous les trésors du monde et toutes les richesses :
Les coffres-forts des juifs, les écrins des duchesses,
Sur de beaux tapis turcs de grandes fleurs brodés,
Rompant leur ventre d’or, semblent s’être vidés.
Ce ne sont que ducats, quadruples et cruzades,
Un Pactole gonflé débordant en cascades,
Une mine livrant aux regards éblouis
Ses diamants en fleur dans l’ombre épanouis ;
L’éventail pailleté comme un papillon brille ;
Sur la guitare encor vibre une séguidille ;
Et, parmi les flacons, un coquet masque noir
De ses yeux de velours semble rire au miroir ;
Des bracelets rompus les perles défilées
S’égrènent au hasard avec les fleurs mêlées,
Et l’on voit s’échapper les billets et les vers
Des cassettes de laque aux tiroirs entr’ouverts.

En prodiguant ainsi les attributs de fête,
Quelle noire antithèse avais-tu dans la tête ?
Quel sombre épouvantail ton pinceau sépulcral
Voulait-il évoquer, pâle Valdès Léal ?

Pour te montrer si gai, si clair, si coloriste,
Il fallait, à coup sûr, que tu fusses bien triste ;
Car tu n’as pas pour but de faire luire aux yeux
Un bouquet de palette, un prisme radieux,
Comme un Vénitien qui, dans sa folle joie,
Verse à flots le velours et chiffonne la soie.

Tu voulais, au milieu de ce luxe éperdu,
Faire surgir plus morne et plus inattendu
Le convive importun, l’affamé parasite,