Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/205

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Car l’on est plus sévère, en ce siècle où nous sommes,
Envers les pauvres rois qu’envers les autres hommes !
On leur demande tout, on leur accorde peu ;
Et, pour qu’ils trouvent grâce au bout de leur journée,
Il leur faut recevoir, sur leur tête inclinée,
Le baptême du peuple avec celui de Dieu !

Celui que l’on nomma depuis le Fils de l’Homme,
Tout d’abord fut sacré du nom de roi de Rome,
Comme un jeune empereur, comme un fils de César !
Ses langes étaient faits de pourpre impériale,
L’aigle étendait sur lui son aile triomphale,
Des béliers aux pieds d’or le traînaient dans un char !

Certes, s’il fut jamais existence inouïe,
Gloire à faire baisser la paupière éblouie,
Vertigineux éclat, ciel étoilé de feux,
Immense entassement, Babel invraisemblable,
C’est ce règne éclipsé qui nous semble une fable,
Et dont tous les acteurs sont déjà demi-dieux !

Cet enfant, pour hochet, eut la boule du monde,
Et le Titan son père, en sa tête profonde,
Lui rêvait un empire, un règne surhumain.
Hélas ! tout a passé comme l’ombre d’un rêve,
Comme le flot tari qui déserte la grève,
Et ce jour radieux n’eut pas de lendemain !

Un autre, pauvre enfant, sur la terre étrangère,
Privé des doux baisers de la France sa mère,
S’en va, puni d’erreurs dont il est innocent.
Sur la tige des lis, fleur nouvelle, âme blanche,
Il devait rajeunir et relever la branche,
Et tout semblait sourire à son destin naissant.