Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/297

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Au Bois de Boulogne


Le front fumant encor d’une ardente besogne,
L’autre jour, à cheval, dans le bois de Boulogne
Je courais. – Les sentiers au feuillage nouveau,
L’encens des bourgeons verts, me montaient au cerveau,
Et laissant de côté livres neufs et vieux tomes,
Je me baignais dans l’air aux lumineux atomes,
Heureux, insouciant, comme tout cavalier
Que berce du galop le rhythme régulier !
Car en dépit des vers de Boileau, pris d’Horace,
Le chagrin ne peut suivre une bête de race,
Et, vous regardant fuir, s’asseoit, traînant le pied,
Au talus du chemin, comme un estropié !

Par le sentier étroit qui borde chaque route
Cheminait une vieille, au dos formant la voûte,
Au front gris, à l’œil creux par la maigreur vidé,
Au visage de bistre affreusement ridé,
Parchemin que la vie a timbré de ses marques.
Ainsi faite, on eût dit l’une de ces trois Parques,
Groupe morne et fatal, peint par Buonarotti,
Et qu’à Florence on voit dans le palais Pitti !