Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Dans ma chambre, où tremblait une jaune lumière,
Tout prenait une forme horrible et singulière,
        Un aspect effrayant.
Mon lit était la bière et ma lampe le cierge,
Mon manteau déployé le drap noir qu’on asperge
        Sous la porte en priant.

Dans son cadre terni, le pâle Christ d’ivoire
Cloué les bras en croix sur son étoffe noire,
        Redoublait de pâleur ;
Et comme au Golgotha, dans sa dure agonie,
Les muscles en relief de sa face jaunie
        Se tordaient de douleur.

Les tableaux ravivant leurs nuances éteintes
Aux reflets du foyer prenaient d’étranges teintes,
        Et, d’un air curieux,
Comme des spectateurs aux loges d’un théâtre,
Vieux portraits enfumés, pastels aux tons de plâtre,
        Ouvraient tout grands leurs yeux.

Une tête de mort sur nature moulée
Se détachait en blanc, grimaçante et pelée,
        Sous un rayon blafard.
Je la vis s’avancer au bord de la console ;
Ses mâchoires semblaient rechercher leur parole
        Et ses yeux leur regard.

De ses orbites noirs où manquaient les prunelles,
Jaillirent tout à coup de fauves étincelles
        Comme d’un œil vivant.
Une haleine passa par ses dents déchaussées…
Les rideaux à plis droits tombaient sur les croisées ;
        Ce n’était pas le vent.

Faible comme ces voix que l’on entend