Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/333

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Quand la nef aborda, France, ton sol antique.
Votre âme réveillée à ce choc électrique,
Au bruit des voix, des pas,
De sa prunelle morte entrevit dans l’aurore
Palpiter vaguement un drapeau tricolore,
Où l’aigle n’était pas.

Comme autrefois, le peuple autour de vous s’empresse ;
Cris d’amour furieux, délirante tendresse,
À genoux, chapeau bas !
Dans l’acclamation, les prudents et les sages
Disent au demi-dieu, faisant sa part d’hommages :
« Dieu ! ne l’éveillez pas ! »

Vous les avez revus, — peuple élu de votre âme, -Ces
Français tant aimés que votre nom enflamme,
Héros des grands combats ;
Mais sur son sol sacré, patrie autrefois crainte.
Du pas de l’étranger on distingue une empreinte
Qui ne s’efface pas !

Voyez la jeune armée, où les fils de nos braves.
Avides d’action, impatients d’entraves.
Voudraient presser le pas ;
Votre nom les émeut, car vous êtes la gloire !
Mais on leur dit : « Laissez reposer la victoire,
Assez ! croisez les bras ! »

Sur le pays, le peuple, étoffe à trame forte.
S’étend, Sire ; le chaud, le froid, il les supporte
Mieux que les meilleurs draps ;
Mais ces grands si petits, chamarrés de dorures,
Qui cachaient leur néant sous de riches parures.
Ne les regrettez pas.