Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/62

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Air vierge, air de cristal, eau principe du monde,
Terre qui nourris tout, et toi flamme féconde,
        Rayon de l’œil de Dieu,
Ne laissez pas mourir, vous qui donnez la vie,
La pauvre fleur qui penche et qui n’a d’autre envie
        Que de fleurir un peu !

Étoiles, qui d’en haut voyez valser les mondes,
Faites pleuvoir sur moi, de vos paupières blondes,
        Vos pleurs de diamant ;
Lune, lis de la nuit, fleur du divin parterre,
Verse-moi tes rayons, ô blanche solitaire,
        Du fond du firmament !

Œil ouvert sans repos au milieu de l’espace,
Perce, soleil puissant, ce nuage qui passe !
        Que je te voie encor ;
Aigles, vous qui fouettez le ciel à grands coups d’ailes :
Griffons, au vol de feu, rapides hirondelles,
        Prêtez-moi votre essor !

Vents, qui prenez aux fleurs leurs âmes parfumées
Et les aveux d’amour aux bouches bien aimées,
        Air sauvage des monts,
Encor tout imprégné des senteurs du melèze,
Brise de l’Océan où l’on respire à l’aise,
        Emplissez mes poumons !

Avril, pour m’y coucher, m’a fait un tapis d’herbe ;
Le lilas sur mon front s’épanouit en gerbe,
        Nous sommes au printemps.
Prenez-moi dans vos bras, doux rêves du poëte,
Entre vos seins polis, posez ma pauvre tête
        Et bercez-moi longtemps.