C’est la nuit qu’a lieu la revue
Dans la ballade de Zedlitz,
Où l’Empereur, ombre entrevue,
Compte les ombres d’Austerlitz.
Mais des spectres près du Gymnase,
À deux pas des Variétés,
Sans brume ou linceul qui les gaze,
Des spectres mouillés et crottés !
Avec ses dents jaunes de tartre,
Son crâne de mousse verdi,
À Paris, boulevard Montmartre,
Mob se montrant en plein midi !
La chose vaut qu’on la regarde :
Trois fantômes de vieux grognards,
En uniforme de l’ex-garde,
Avec deux ombres de hussards !
On eût dit la lithographie
Où, dessinés par un rayon,
Les morts, que Raffet déifie,
Passent, criant : « Napoléon ! »
Ce n’était pas les morts qu’éveille
Le son du nocturne tambour,
Mais bien quelques vieux de la vieille
Qui célébraient le grand retour.
Depuis la suprême bataille,
L’un a maigri, l’autre a grossi ;
L’habit, jadis fait à leur taille,
Est trop grand ou trop rétréci.
Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/60
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