Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/89

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Des dieux que l’art toujours révère
Trônaient au ciel marmoréen.
Mais l’Olympe cède au Calvaire,
Jupiter au Nazaréen ;

Une voix dit : « Pan est mort ! » — L’ombre
S’étend. — Comme sur un drap noir,
Sur la tristesse immense et sombre
Le blanc squelette se fait voir.

Il signe les pierres funèbres
De son paraphe de fémurs,
Pend son chapelet de vertèbres
Dans les charniers, le long des murs ;

Des cercueils lève le couvercle
Avec ses bras aux os pointus,
Dessine ses côtes en cercle
Et rit de son large rictus.

Il pousse à la danse macabre
L’empereur, le pape et le roi,
Et de son cheval qui se cabre
Jette bas le preux plein d’effroi.

Il entre chez la courtisane
Et fait des mines au miroir ;
Du malade il boit la tisane,
De l’avare ouvre le tiroir ;

Piquant l’attelage qui rue
Avec un os pour aiguillon,
Du laboureur à la charrue
Termine en fosse le sillon ;