Parmi ces variétés inexplicables de la nature ou de l’opinion, je crois que la coutume dominante peut servir de
guide a ceux qui se melent d’écrire; parce·qu’elle vient de
la nature dominante des esprits, ou qu’elle la plie a ses
régles, et forme le goût et les mœurs: de sorte qu’il est ’
dangereux de s’en écarter, lors méme qu’elle nous parait
manifestement vicieuse. Il n’appartient qu’aux hommes ex-
traordinaires de ramener les autres au vrai, et de les assujettir a leur génie particulier; mais ceux qui concluraient de la que tout est opinion, et qu’il n’y a ni nature ni coutume plus parfaite l’une que l’autre par son propre fonds, seraient les plus inconséquents de tous les hommes. 1
3. — Nulle Jouissance Sans Action.
Ceux qui considèrent sans beaucoup de réüexion les agi- tations et les misères de la vie humaine, en accusent notre activité trop empresséc, et ne cessent de rappeler les hom- mes au repos et à jouir d’eux·-memes. Ils ignorent que la . jouissance est le fruit et la récompense du travail; qu’elle est elle-méme une action; qu’on ne saurait jouir qu’autant que l’on agit, et que notre ame enfin ne se posséde véritablement que lorsqu’elle s’exerce tout entière. Ces faux philosophes s’empressent a détourner l’homme de sa fin, et a justifier l’oisiveté; mais la nature vient a notre secours dans ce danger. L’oisivetè nous lasse plus promptement que le travail, et nous rend s Faction, détrompés du néant de ses promesses’; c’est ce qui n’est pas échappé aux modérateurs de systèmes, qui se piquent de balancer les opinions des philosophes et de prendre un juste milieu. Ceux-ci nous permettent d’agir, et sous condition néanmoins de régler notre activité et de déterminer selon leurs vues ta mesure et le choix de nos occupations; en quoi ils sont peut-étre plus inconséquents que les` premiers, car ils veulent nous faire trouver notre bonheur dans la sujé-
- Ce mot fait équivoque ; il porte sur oisiveté qui est trop loin. - G.