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SUR DIVERS SUJETS.


de l’esprit humain, de s’étendre au delà de toutes ses con­ceptions, d’étonner et de confondre l’imagination par ce qu’elle lui fait apercevoir de la nature... Voilà du moins ce qui me parait de ces deux sciences. Je trouve la morale plus utile, parce que nos connaissances ne sont guère profitables qu’autant qu’elles approchent de la perfection; mais elle me parait aussi un peu bornée; au lieu que le seul aspect des éléments de la physique accable mon imagination… Je me sens frappé d’une vive curiosité à la vue de toutes les merveilles de l’univers, mais je suis dégoûté aussitôt du peu que l’on en peut connaître, et il me semble qu’une science, si élevée au-dessus de notre raison, n’est pas trop faite pour nous.

Cependant ce qu’on a pu en découvrir n’a pas laissé que de répandre de grandes lumières sur toutes les choses hu­maines : d’où je conclus qu’il est bon que beaucoup d’hom­mes s’ appliquent à cette science, et la portent jusqu’au degré où elle peut être portée, sans se décourager par la lenteur de leurs progrès et par l’imperfection de leurs connais­sances… Il faut avouer que c’est un grand spectacle que celui de l’univers : de quelque côté qu’on porte sa vue, on ne trouve jamais de terme. L’esprit n’arrive jamais ni à la dernière petitesse des objets, ni à l’immensité du tout; les plus petites choses tiennent à l’infini ou à l‘indéfini. L’ex­trême petitesse et l’extrême grandeur échappent également à notre imagination; elle n’a plus de prise sur aucun objet dès qu’elle veut l’approfondir. Nous apercevons, dit Pascal, quelque apparence du milieu des choses, dans un désespoir éternel d’en connaître ni le principe ni la fin, etc.[1]

La physique est incertaine à l’égard des principes du mouvement, à l’égard du vide ou du plein, de l’essence des corps, etc. Elle n’est certaine que dans les dimensions, les distances, les proportions et les calculs qu’elle emprunte de la géométrie.

M. Newton, au moyen d’une seule cause occulte, expli-

  1. Voyez les Pensées de Pascal, 1re partie, art. IV, pensée I. — G.