Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/186

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132 DISCOURS leurs yeux avoir une ambition plus raisonnable 2 Ces gens-la sont·ils siaimables, je dis plus, sont-ils si heureux, que vous deviez les préférer à d’a.utrœ hommes. et prendre leurs extravagances pour des lois' ? Écouteriez-vous aussi ceux qui font consister le bou sens à suiure la coutume, à s’établir, a ménager sourdement de vils intérêts? Tout ce qui est hardiesse, générosité, grandeur de génie, ils ne peuvent méme le concevoir : et cependant ils ne méprisent pas sincerement la gloire; ils l’attachent a leurs erreurs. On en voit, parmi ces derniers, qui combattent par la religion ce qu’il y a de meilleur dans la nature, et qui re- jettent ensuite la religion méme, ou comme une loi impro.- ticable, ou comme une belle fiction et une invention poli- tique. Qu'ils s'a.ccordent donc, s'ils le peuvent. Sont-ils sous la loi de gràce? que leurs mœurs le fassent connaitre; sui- vent-ils encore la nature ? qu'ils ne rejettent pas ce qui peut l’élever et la maintenir dans le bien. Je veux que la gloire nous trompe : les talents qu'el|e t Add.: [Ne regardez pas la conduite de ces hommes qui voudraient vous ' séduire et vous rendre semblableas eux; considérez la vie de ces autres hommes qui viennent L peine de disparaitre, qui étaient nés aussi parmi nous, que vous admirez en secret, et que vous n’osezfencore suivre. Est-ce il moi de vous nommer Richelieu, Condé, Luxembourg, Descartœ, Turenne, d‘0asat, Catinst, Bossuet, Fénelon, tant d'autres qui sont en vénération s. l'u¤ivers, et qui, malgré la didérence de leurs conditions et de leurs talents, sont admis i la méme gloirel Ces grands personnages en ont eux—mémes admiré d‘autres qui leur avaient servi de modèles; les uns resserrés dans les homes d‘une condition ordinaire, les autres tentés par l'orgueil et les piégcs dela grandeur, tous éloignés de la gloire, qui ne se donne qu'au mérite entreprenant et labo- rieux, ils n'ont pas désespéré d'elle; ils ne disaient pas que la fortune di- pense ses dons en aveugle, et que la renommés suit le hasard; ils ne s'amu- aaient pas A épiloguer sur la gloire, ils tachaient de s'en rendre dignes. S'i|a l'ont méprlsée quelquefois, cest lorsqu'elle était établie sur des choses vaines; mais plus lls ont négligé cette fausse gloire, plus ils ont estimé la véritable. Croirez·vous plutot aux sophismes des déclamatenrs, qu’aux travaux et aux sentiments de cos grands hommes'! S’ils étaient encore, ils estimeraient vos talents, ils exciteraient votre courage. Voyoa ce que fait la gloire : le tombeau ne peut l’obscurcir, son nom règne encore sur laterrc qu'elle a décorée; féconde jusque dans les ruines et la nudité de la mort, ses exemples la repro- duisent, et elle s'accrolt d'sge en Age. Cultiver-la donc, car si vous la négli- giez, bientot vous négligeriez la vertu mème, dont elle est la fleur. Ne croyez pu qu'on puisse obtenir la vraie gloire sans la vraie vertu, ni qu'on puisse se maintenir dans la vertu sans l’aide de la gloire.]