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Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/188

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134 ' DISCOURS les perfectionne, qui rend les hommes de toutes les con- - ditions plus vertueui, et qui fait fleurir les empires, comme l'expérieuce de tous les siècles le démontre. Cette gloire, inférieure à celle des talents plus élevés, n'est pas moins justement fondée; car ce qui est bon en soi-mème ne peut être anéanti par ce qui est meilleur; ce qui est estimable peut bien perdre de notre estime, mais ne peut soutïrir de déchéance dans son étre; cela est visible. _ S'il y a donc quelque erreur a cet égard parmi les hom- mes, c’est lorsqu‘ils cherchent une gloire supérieure a leurs talents, une gloire, par conséquent, qui trompe leurs désirs et leur fait négliger leur vrai partage; qui tient cependant leur esprit au—dessus de leur condition, et les sauve peut- étre de bien des· faiblesses. Vous ne pouvez tomber, mon cher ami, dans une semblable illusion; mais cette crainte si modeste, si touchante, est une vertu trop aimable dans un homme de votre mérite et de votre age. On ne peut qu’estimer aussi ce que vous dites sur la briéveté de la vie : je croyais avoir prévenu a ce sujet tout ce qu'on pou- 'vait m‘opposer de raisonnable; cependant je ne blâme pas vos sentiments. Dans une si grande jeunesse, où les autres hommes sont si enivrés des vanités et des apparences du monde, c'est sans doute une preuve, mon aimable ami, de l'élévation de votre âme, lorsque la vie humaine vous parait trop courte pour mériter nos attentions : le mépris que vous concevez de ses promesses témoigne que vous étes supérieur} tous ses dons. Mais puisque, malgré ce mérite qui vous élève, vous étes néanmoins borné à cet espace que vous méprisez', c'est à. votre vertu a s’exercer dans ce champ étroit; et, puisqu’i1 vous est refusé d'en étendre les bornes, vous devez en omer le fonds. Autre- ment, que vous serviraieut tant de vertus et de génie? n'au- rait—on pas lieu d'en douter? · Voyez comme ont vécu les hommes qui ont eu l’â.me élevée comme vous; vous me permettez bien cette louange, qui | Ici encore, Vauvenargues parait bomer tout i la vie présente. — G.